N°3
La revue en ligne d'Actes Sud
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Positions n'est pas un site � vocation commerciale ou promotionnelle, mais le reflet "au jour le jour" d'un catalogue pluridisciplinaire (Actes Sud, Actes Sud-Papiers, Solin) o� des �uvres et des collections diverses ("Mondes arabes", "H�bra�ca", "Antipodes", "Afriques", etc.) coexistent pacifiquement.

Dans les pages de ce troisième numéro, �crivains, intellectuels et artistes s'interrogent sur la situation des intermittents du spectacle et proposent des textes de réflexion.

«Ni pleurer ni rire…»


«ARTISTES. — Tous des farceurs…Ce qu'ils font ne peut s'appeler travailler".
GUSTAVE FLAUBERT, Bouvard et Pécuchet, Dictionnaire des idées reçues



Il y a tout juste un an nous avions consacré un numéro de Positions au théâtre et à Avignon. Des propos et des images qui reflétaient l'image positive d'un théâtre vivant.

Aujourd’hui, après qu’un nouveau statut des intermittents ait été imposé par le MEDEF qui équivaut à la menace d’un licenciement collectif de plus de 30 000 personnes suscitant une grève jamais vue, c’est la consternation dans un climat souvent qualifié par certains de mortifère, de populiste… où l’un des principaux protagonistes — le public — n’a jamais eu son mot à dire. Aussi bien cette livraison n’a pas d’autre ambition que d’essayer de comprendre comment on a pu en arriver là ... « Ni pleurer ni rire, mais comprendre », disait Spinoza.

� Actes Sud

 

Quelque chose s’est passé avec la grève des intermittents et l’annulation des Festivals dont personne encore n’est capable de mesurer la portée. Pour la première fois depuis longtemps le camp de ceux qui peu ou prou font, en France, le spectacle vivant et la Culture connaît des lignes de fracture qui laisseront des cicatrices profondes...

Des choix, des postures, des stratégies d’un mouvement dépassant malgré lui ses revendications catégorielles ont provoqué des réactions douloureuses génératrices d’intolérance, de désespoir, de colère…

Devant un tel séisme (qu’on espère salutaire) où chacun est à la recherche de sens les philosophes (où sont les écrivains ?) auraient mieux fait leur travail que les politiques... Jacques Rancière auteur d’une réflexion sur le partage du sensible s’est retrouvé promu, malgré lui, auteur « positif »contre Baudrillard, face noire et paradoxale, qui parlait « des suicidés du spectacle »(1) et que certains se sont fait profession de ne pas vouloir comprendre.

Robert Abirached, directeur du théâtre au ministère de la Culture de 1982 à 1988, pour qui « la crise du spectacle actuelle participe plus largement de la crise de la jeunesse française » (2) a sans doute raison. Pourquoi en effet tant de jeunes gens veulent-ils "faire artistes"? Une des dernières façons d’échapper à la marchandisation ? …

Mais il reste— quand bien même les années Malraux-Lang seraient finies— qu’on ne peut laisser sans réponse la question posée par Patrice Chéreau : "Est-ce que tout a été fait pour que des gens qui ne devraient pas être des intermittents arrêtent de l’être... ”(3) Plus difficile que de décréter urbi et orbi l'exception culturelle !

A moins qu’être intermittent soit un idéal…


MP

1. Libération du 12/7/03 et du 16/7/03. On notera que le texte de Rancière n’avait eu droit qu’au courrier des lecteurs ! Depuis nous avons appris qu’il s’agissait d’un texte apocryphe.
2. Libération du 9/07/03
3. Le Monde 3/7/03